Sortir, travailler, rager contre la ville, s’amuser, bosser, faire des frasques à n’en plus finir… le tout dans un éternel recommencement... C’était là un aperçu du planning de Daemon, depuis quelques vingt-huit années à présent. La raison de son acharnement ? Oublier, tout simplement ! N'était-ce pas le désir d'occulter de sa mémoire quelque chose qui nous est douloureux, qui poussait la plupart d'entre nous à travailler plus que de raison, à griller la vie par les deux bouts ou à trouver du réconfort même dans quelque chose qui nous est pourtant néfaste à la santé ? C’était en tout cas la raison qui avait guidé sa conscience sous la malédiction. Et puis voilà que la journée sans fin avait finalement cessé, les souvenirs étaient revenu, son identité avec, lui donnant soudainement l’impression d'être en vie, et non plus anesthésié, comme il avait eu l'impression de l'être pendant toutes ces années. Daemon McDonalds n’avait fait qu’'être le spectateur de sa vie, une vulgaire marionnette qui ne savait que faire pour remonter et retrouver les commandes de sa vie ! … Il était donc grand temps qu’il laisse sa place désormais à Méphistophélès. Un Méphistophélès qui si il continuait chaque jour de venir jouer son rôle de gérant du Rabbit Hole, le vivait d’une manière bien différente et bien plus agréable que son alter-égo des vingt-huit dernières années.

-Sers-moi un scotch sans glace.

Aujourd’hui pas de comptabilité à s’occuper, pas de stock à gérer ou à réapprovisionner, c’était une journée relativement tranquille qui s’annonçait pour lui et Méphisto n’allait certainement pas rater l’occasion d’en profiter pour s’amuser un peu. Et tandis qu’il attendait au bar que le barman lui serve son verre, il capta le reflet que lui renvoyait les miroir derrière le bar. Et pour la première fois depuis des siècles, c'était un reflet qu'il pouvait vraiment reconnaître comme étant le sien… Un reflet qu'il croyait parfois ne plus jamais pouvoir admirer un jour… S'abandonnant à la fascination qu'exerçait sur lui ce visage familier, le Diable demeura figé devant le comptoir pendant plusieurs minutes à fixer ce visage qu’il avait presque fini par oublier. Qu'il est doux d'en avoir à nouveau un fait de chair, qu'il est agréable de sentir cette sensation du sang qui frappe contre la peau. Il est beau d'être humain. Il est superbe d'être sous une forme qui plaît bien mieux. Sourire aux lèvres, il pourrait se sentir crétin d'agir ainsi, néanmoins il remercie chaque heure qu'il lui est possible cette reine ayant rendu son calvaire et sa punition invisible. Méphisto est redevenu Méphisto. Méphisto, aujourd’hui il a des mains, des pieds, un estomac, des organes qui fonctionnent et une figure qui change selon les émotions qui traversent son âme. Il pourrait presque se dire que les flammes et les os ne sont qu'un long périple ayant fait partie des chapitres de sa vie, mais il sait qu’il est pourtant  toujours là le démon, à l'intérieur, toquant contre ses os. Il sent encore les flammes qui couvent sous sa peau. Mais le claquement du verre contre le comptoir l'arracha brutalement à sa rêverie et tout en prenant une gorgée le voilà qui s’installe finalement derrière le piano qui trône dans un coin de l’établissement, se perdant dans quelques mélodies rythmé pour animer l’endroit et distraire les clients, enchainant les morceaux, deux, trois… il n’avait pas vraiment tenu le compte.